Edito – Grain de Blé, le retour

Rien de nouveau : tout est nouveau. Ce qui naît, ce qui va naître, ne peut faire l’économie de la mort du grain de blé semé en terre. L’accepter vraiment, c’est ce qui nous dépasse. Le Seigneur Jésus nous prend la main pour que nous ayons moins peur en avançant.

J’aurais tant et tant d’échos à vous partager sur les rencontres vécues depuis le début de ce carême : les fortes paroles d’Etienne Grieu à la formation annuelle des prêtres-diacres et laïcs en mission ecclésiale du diocèse, sur ce que notre expérience ecclésiale de la communion des diversités peut apporter à tous dans une société marquée par ce qu’il appelle les « règlements de compte »… tout ce qui se joue dans les rencontres interreligieuses et interconfessionnelles… projets, rencontres, tout ça n’est pas rien, c’est beaucoup.

Les priants prient, les agissants agissent.

Engagé, chacun met le meilleur de luimême à partager ce qu’il anime, pardon, ce qui l’anime, à le transmettre pour le faire croître. La mission nous presse de porter cette multiplicité de propositions, car dans une société de liberté, les possibilités réelles d’accès au Christ ne peuvent être que multiples. Personne ne va, heureusement, souhaiter que l’activité du voisin périclite, chacun souhaite à tous et à chacun de grandir. Personne ne peut souhaiter que son propre engagement suscite peu d’intérêt pour que celui du voisin prospère. Nous sommes engagés,
heureusement.

Pourtant ce que chacun réalise produit une croissance de son action qui ne s’accompagne pas toujours d’une augmentation des « porteurs » : certaines activités sont en phase de croissance vive et produisent, pour un moment, des gros porteurs en proportion suffisante, d’autres croissances touchent des nouveaux adeptes mais pas encore en mesure de « porter », alors ceux qui portent se sentent parfois vraiment écrasés au niveau des épaules : parviendront-ils à passer la main ?

Cette « dynamique du provisoire » généralisée ne touche pas que les Églises.

Combien de vieux militants en tous domaines se réjouissent de voir des gens se mettre en route tous azimuts, mais se demandent si parmi tous ceux-là certains accepteront de s’inscrire dans la durée pour que l’action puisse être assez structurée pour produire une transformation réelle…

Chacun s’engage en espérant que ce qu’il porte durera, et essaie de deviner, dans ce qui pourtant meurt, les prémices d’un renouveau. Pour nous aider à vivre ces inconforts, les paroles du Christ sur le grain de blé, à l’heure où il va mourir, nous accompagnent, nous aident à nous réjouir de voir débarquer des plus jeunes, des plus nouveaux, qui feront leur chemin, imprévisible pour nous. Ce qui meurt pourra-t-il être le chemin d’une naissance ?

Pour que le deuil des excès de sacralisation du prêtre, avec ses dégâts visibles, puisse faire naître une nouvelle fraternité qui respire, pour que la enième expulsion des familles de Roms (ceux de chez nous) puisse faire naître une prise en charge régionale et non locale qui rende concrètement possible le mode de vie semi-nomade officiellement autorisé, pour que les prises de conscience de certaines absurdités écologiques ou financières trouvent une traduction réelle, que les cris de ceux qui se noient en Méditerranée parlent plus fort que les peurs de tous ceux qui n’ont pas encore fait leur deuil des prospérités post-coloniales… Cela ne se fera pas tout seul.

Il faudra des acteurs, à la fois engagés et détendus : chacun engagé à fond pour apporter sa propre pierre, mais abandonnant cette pierre à l’Esprit Saint pour qu’Il la pose autrement, écrivant une histoire en souplesse et surprises, car Il habite en de multiples demeures et du coup voit l’histoire se dérouler à partir de multiples points de vue reflétant diversement le Christ. Le disciple du royaume « tire de son trésor du neuf et du vieux » (Mt 13,52). Que sera donc cet enfant ? (Luc 1,66)

Cette longue intro pour inviter à lire le dossier sur les « jeunes ». Rendez-vous page 2 du J3P.

Père Dominique Doyhénart, curé