Le temps favorable

Edito du 17 Février 2019

Drôle de période. On solde 2018 (les comptables rendent les bilans), l’hiver est bien là mais le soleil pointe le bout du nez pour nous faire rêver. Ce n’est plus Noël mais pas encore le Carême, et il faut déjà se projeter dans la préparation du printemps, avec ses renaissances, baptêmes et communions, reprendre conscience que l’année n’a que 52 dimanches (idem pour les lundi, mardi, …) et que toutes nos grandes ambitions pour les beaux jours vont se heurter à l’impossibilité de faire deux choses au même endroit le même jour, ou deux choses à deux endroits différents avec les mêmes personnes au même instant.

Certains projets tournent à plein régime, d’autres prennent un tour prometteur, et d‘autres connaissent des coups d’arrêt ou des ralentissements, des complexités de par la diversité des partenaires et des points de vue qui s’affrontent. Nous nous surprenons à nourrir des pensées stériles comme « il faudrait que les gens comprennent que… » ! Quand nous viennent ces étranges souhaits par lesquels nous voudrions que les autres soient davantage à notre image, alors c’est le moment de se remettre à l’endroit, le temps favorable, un bon temps pour se rapprocher de Dieu dans la persévérance et dans le renoncement.

Persévérance : frère Amir Jaje, dimanche, est venu à Sainte-Bathilde témoigner de la vie des chrétiens d’Iraq, des perspectives et des incertitudes s’offrant à eux dans le contexte politique et militaire de la région de Ninive. Il a aussi commenté l’évangile de la pêche miraculeuse : sur ta Parole, Seigneur, moi qui suis un professionnel et qui ai peiné toute la nuit sans rien prendre, mais oui, parce que tu le dis, je vais recommencer. La persévérance des chrétiens d’Orient nous émeut profondément, elle nous parle de cette flamme d’espérance, celle du conte des 4 bougies lu dans plusieurs de nos communautés à Noël. Dieu rallume sans cesse en nous l’espérance pour recommencer autrement.

L’espérance qui ne va pas sans renoncement – renoncement à ce que les choses se fassent exactement comme nous le voudrions, renoncement à être tout. Le pied ne peut pas dire à la main : tu n’es pas le corps, parce que tu n’es pas le pied. Les enfants qui ont mimé le texte de st Paul il y a trois semaines ont bien compris que nous avons besoin de tous et de chacun, même trop différent à mon goût du moment. Béni soit le frère qui travaille avec moi harmonieusement, béni aussi celui qui me freine, pour que nous sachions prendre le temps d’apprendre à habiter ensemble la maison commune. Pourvu qu’au fond, l’un et l’autre, nous écoutions vraiment la Parole qui libère et travaillions sous Sa conduite.

Car Dieu, le responsable de tout ça, de toute cette création qui peine à marcher au pas, est Père de famille nombreuse. Son Esprit est répandu dans des cœurs innombrables où Il est la source d’énergie d’opinions multiples, qu’Il épouse de l’intérieur, respecte autant que possible et retourne doucement et intensément vers le Christ. Le travail de communion dont nous rêvons (« il faudrait que les gens me comprennent ») doit « faire avec », avec un Dieu ami de ses créatures, proche d’elles, terriblement compréhensif, écartelé entre elles.

Quatre jeunes de l’aumônerie ont été confirmés, quelques adultes s’y préparent. Mais nous tous, pour vivre ce moment favorable entre fatigue du parcours et promesse de matins ensoleillés, il nous reste à nous souvenir que l’Esprit Saint a été répandu dans nos cœurs, Celui qui nous aide à oser parler la langue de l’autre. A ce prix nous pouvons découvrir Dieu réel, proche, présent, obstinément amoureux des hommes, loin de nos rêves d’une Puissance Magique qui nous donnerait toujours raison ou ferait nos quatre volontés.

Père Dominique Doyhénart, curé